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Faut-il vraiment pondérer les évaluations des élèves?

Secondaire

Introduction

Avez-vous déjà discuté d’une évaluation avec des collègues pour réaliser que vous n’aviez pas du tout la même vision par rapport à sa valeur ou que vous auriez accordé des pondérations différentes à certaines questions ou parties de l’examen? Ces deux éléments ne font que mettre en lumière la complexité dans l’acte d’évaluer. Prenons un moment pour réfléchir à la valeur que nous accordons à chaque tâche et évaluation, ainsi qu’à son impact sur nos élèves du secondaire.

Évaluer les capacités des élèves… avec des chiffres?

D’abord, les pondérations sont associées à une approche d’évaluation par notes chiffrées. Traditionnellement, nous avons tous connu cette situation lors de notre passage à l’école :

L’enseignant.e transmet des connaissances et savoirs aux élèves. Les élèves tentent de démontrer l’acquisition de ces notions lors d’une évaluation. « Objectivement », une note chiffrée est accordée à l’élève à la suite d’une correction de l’examen. Cette fameuse note représente le degré d’acquisition des connaissances de l’élève.

Or, on sait très bien que cette façon de faire n’est pas garante d’être objective. Repensez à cette discussion avec vos collègues où vous aviez des visions différentes sur la valeur accordée aux questions de l’évaluation. Pourtant, l’évaluation reste l’un des piliers de notre fonctionnement actuel, même si ses effets négatifs sont mentionnés depuis plusieurs années. (Merle, 2015) De plus, nous sommes maintenant axés sur le développement des compétences de l’élève. Est-ce vraiment en faisant une juxtaposition, un cumul de notes que nous arrivons à poser un jugement critique sur le développement d’une certaine compétence chez nos élèves? À mon avis, non! Évaluer le savoir agir est beaucoup plus complexe que cela.

« Est-ce que ça compte? »

Lorsque j’enseignais, c’était LA question incontournable de mes élèves devant n’importe quel travail. Le fait de le comptabiliser ou non semblait être un ingrédient essentiel à leur motivation. Leur niveau d’implication et d’efforts devenait aussi proportionnel à la valeur que j’avais prévue accorder à la tâche. 

Devant un travail avec une pondération moindre ou inexistante, j’avais le sentiment que mes élèves ne le prenaient pas nécessairement au sérieux. Au contraire, devant une évaluation avec une pondération plus importante, voire exagérée pour UNE seule tâche, j’avais devant moi des élèves inquiets. Certains étaient davantage concentrés à calculer le nombre de points nécessaires pour assurer la note de passage au bulletin qu’à mobiliser les stratégies adéquates pour faire le travail.  

Qu’arrive-t-il aux élèves pour qui le nombre de points à obtenir est inatteignable? Je pense notamment aux élèves en difficulté qui, en début d’étape, avaient déjà cumulé des échecs ou de mauvaises notes. Après quelques calculs, ils comprenaient qu’ils devaient obtenir au minimum une certaine note aux prochaines évaluations pour assurer leur réussite. Si cette fameuse note était inaccessible, cela ne faisait que les décourager. Ils perdaient l’intérêt de faire des efforts et leur participation pouvait diminuer de plus en plus en classe. En d’autres termes, ils décrochaient passivement du cours.

La course à la performance

C’est une réalité : beaucoup d’élèves accordent davantage d’importance à la note obtenue qu’à leur progression et aux rétroactions de l’enseignante. Devant leur copie corrigée et annotée, certains n’ont qu’une seule idée en tête : jeter un coup d’œil au pourcentage obtenu. Le reste a peu d’importance. Vient ensuite la comparaison avec les autres de la classe et bien souvent… la déception. Cette dépendance à la note peut avoir un impact négatif et entraver le processus d’apprentissage. Un résultat moins haut que ses pairs? Sous la moyenne du groupe? L’estime chute, même s’il y a eu une grande amélioration chez l’élève en question. Au final, l’élève a-t-il des buts d’apprentissage ou bien de performance lorsqu’il n’a que la note en tête? (Viau, 2009)

Au-delà des pondérations : comment faire autrement?

Beaucoup d’enseignants ont tout simplement supprimé les pondérations de leur classe. Ont-ils enlevé les évaluations? Bien sûr que non! Il y a des variations selon l’enseignant, mais l’approche demeure sensiblement la même : l’élève a toute l’étape pour mobiliser ses savoirs et démontrer ses compétences par des projets, des évaluations, des devoirs ou des tâches diverses. Au terme de l’étape, l’enseignant utilise son jugement professionnel pour faire le bulletin de l’élève. Il y fait le bilan de ses apprentissages et appuie son jugement par toutes les traces qu’il a récoltées. 


Le résultat de l’élève s’appuie donc davantage sur ses véritables compétences plutôt qu’en se basant uniquement sur la quantité de points attribués à chaque tâche ou activité. L’enseignant peut ainsi utiliser une variété d’activités en classe pour observer et évaluer ses élèves de manière plus significative en mettant en évidence les compétences qu’ils manifestent à travers le temps.

La pondération 0 et les cibles d’apprentissage : incursion dans la classe de Marika

Dans la classe de Marika Perrault, enseignante de mathématiques au secondaire, les pondérations n’apparaissent nulle part. Comment arrive-t-elle à porter un regard critique sur les habiletés de ses élèves sans que chaque tâche ait une valeur préétablie? Grâce aux cibles d’apprentissage et… aux couleurs! 

À chaque début de chapitre, Marika distribue aux élèves une feuille détaillant les cibles d’apprentissage à atteindre. Lorsqu’ils reçoivent une évaluation, les cibles travaillées sont également visibles sur la première ou la dernière page. L’élève sait donc clairement ce qu’il doit apprendre et ce qu’il doit être capable de faire. À chaque évaluation, travail ou projet, les cibles sont présentes. Pour chacune d’elles, au terme du travail, elle détermine le niveau de compétence de l’élève grâce à une couleur, plutôt qu’à un pourcentage.

En fonction des couleurs obtenues pour chaque cible d’apprentissage, elle détermine la couleur globale du travail, du projet ou de l’évaluation. De plus, Marika est très attentive à la progression de ses élèves. Lorsqu’elle voit qu’une notion n’est pas bien maîtrisée, elle offre la possibilité à l’élève de retravailler la notion pour l’évaluer à nouveau. Ensuite, elle tient compte de la progression de l’élève et de sa maîtrise ou non de la notion en question. Au moment de faire ses fameux bulletins, Marika utilise son jugement professionnel. Elle analyse les couleurs obtenues par l’élève au fil de l’étape et sa progression, mais également l’importance des notions, car certaines d’entre elles ont une plus grande importance. C’est avec ces éléments qu’elle peut porter un regard critique sur les compétences de ses élèves avec confiance. Cette approche centrée sur les cibles plutôt que sur la valeur des projets ou des évaluations lui permet d’acquérir les traces nécessaires à la démonstration des véritables compétences de l’élève.

Pour aller plus loin

À lire

Baguet, S (2015). L’évaluation par compétences - DUMAS - Dépôt Universitaire de Mémoires Après Soutenance


Viau, R. (2009). La motivation en contexte scolaire. De Boeck Université.

Références bibliographiques ou sources citées

Feldman, J. (2019, Décembre 11). Grading for Equity (No. 348) [Podcast épisode]. Dans Harvard EdCast. Harvard Graduate School of Education. 

Gouvernement du Québec. (2016). Programme de formation de l’école québécoise - Enseignement secondaire, premier cycle Ministère de l’Éducation.

Merle, P. (2015). L’école française et l’invention de la note : Un éclairage historique sur les polémiques contemporaines. Revue française de pédagogie, 193(4), pages 77‑88.

Viau, R. (2009). La motivation en contexte scolaire. De Boeck Université.


Yerly, G. & Laveault, D. (2020). Évaluer les apprentissages en contexte de pandémie : aller au-delà de la notation pour soutenir la réussite de tous les élèves. Formation et profession, 28(4), 1–12.

Laurence Arcouette
Orthopédagogue à l'Institut des troubles d'apprentissage

Un peu plus sur l'autrice
Laurence évolue depuis toujours dans le domaine de l’éducation, comme orthopédagogue ou enseignante en adaptation scolaire. Elle a travaillé auprès d’une multitude de clientèles, allant de la déficience intellectuelle à l’autisme, en passant par le Parcours de formation axée sur l’emploi et les défis d’apprentissage. Les apprenants en difficulté sont ceux qui lui tiennent le plus à cœur.

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