5 façons d’enseigner la grammaire de manière inclusive à l’aide de la littérature jeunesse

La grammaire a beaucoup évolué au cours des dernières décennies pour mieux répondre aux exigences de la société actuelle. On est passé de la grammaire traditionnelle basée sur un apprentissage morcelé de la langue et de ses exceptions à la grammaire nouvelle qui favorise la compréhension de la langue en tant que système logique. Pourtant, l’apprentissage de la grammaire demeure difficile pour bien des élèves, surtout pour ceux qui présentent des défis d’apprentissage. C’est pourquoi nous vous proposons cinq façons d’enseigner la grammaire de manière inclusive avec la littérature jeunesse. 

Pour chaque activité proposée, il est recommandé de recourir à la mini-leçon pour contextualiser et favoriser le transfert de l’apprentissage dans une situation authentique. La littérature jeunesse sert donc d’assise dans l’articulation de l’enseignement de la grammaire avec celui de la lecture et l’écriture, selon la Progression des apprentissages. 

Au début du primaire, les élèves développent leur capacité à connaître les règles générales : une phrase commence par une majuscule et se termine par un point, les mots sont placés dans un certain ordre et il y a au moins un verbe conjugué dans la plupart des phrases. Plus tard, ils apprennent qu’une phrase est constituée d’un sujet, d’un complément de phrase et d’un prédicat. Il y a donc tout un bout de chemin à parcourir avant que les élèves soient en mesure d’identifier les constituants de la phrase ! 

Cela dit, peu importe le niveau scolaire, l’utilisation d’albums jeunesse permet de développer ces connaissances.

On peut demander aux élèves de sélectionner des extraits de textes dans lesquels ils ne sont pas certains s’il s’agit d’une phrase. Ensuite, on réfère les élèves aux caractéristiques qui ont été enseignées afin qu’ils puissent déterminer ou non s’il s’agit d’une phrase. Pour les élèves plus vieux, il s’agit d’une excellente occasion de développer leur métalangage en ayant recours à des manipulations syntaxiques pour justifier leurs propos. L’utilisation de supports visuels est donc encouragée afin de diminuer la charge cognitive associée à la récupération des informations en mémoire, notamment celles liées aux connaissances. 

Extrait de l'album «Aux toilettes», André Marois, Pierre Pratt, Druide

Selon le niveau scolaire de vos élèves, les types et les formes de phrases peuvent être abordés de différentes manières. À partir d’albums jeunesse, on peut demander aux élèves de relever des exemples de phrases et les classer par type ou par forme selon la cible d’apprentissage. 

Par exemple, la classe pourrait être divisée en plusieurs équipes, chacune étant experte d’un type ou d’une forme de phrase. On choisit alors un nombre d’albums équivalent au nombre d’équipes de sorte qu’elles puissent toutes identifier une phrase par album. À partir de cette activité, les élèves peuvent donc construire des affiches ou des aide-mémoire pour faire ressortir les caractéristiques et les appuyer par des extraits littéraires. L’enseignant offre son soutien aux élèves en les invitant à justifier leur choix avant de construire les supports visuels. À un autre moment, on échange les rôles pour que tous les élèves puissent identifier les caractéristiques spécifiques aux différents types et formes de phrases. Ici, les élèves peuvent réaliser la tâche de manière autonome en se référant aux affiches précédemment réalisées.

Que ce soit pour faire ressortir l’importance de la présence de certains groupes de mots dans la phrase ou pour amener les élèves à enrichir leurs phrases à l’aide d’expansions, l’utilisation de la littérature jeunesse peut servir de levier pour rendre concret ce qui l’est moins aux yeux des élèves. On peut se servir d’extraits de texte pour identifier ces groupes, observer leurs caractéristiques et identifier certaines de leurs fonctions. Pour bien comprendre le rôle des expansions dans le groupe du nom, il est intéressant de choisir des phrases qui sont plus complexes. À partir de ces phrases, les élèves peuvent éliminer les expansions pour revenir à une phrase plus simple. Ils doivent justifier leurs choix en ayant recours à différentes manipulations syntaxiques comme l’effacement. Encore une fois, il peut être intéressant d’amener les élèves à se construire un aide-mémoire qui propose différentes stratégies pour enrichir les phrases à l’aide des exemples relevés au cours de l’activité. 

Souvent, la syntaxe et la ponctuation vont de pair et ce n’est pas un apprentissage simple pour bien des élèves. Il est essentiel de proposer des situations authentiques dans l’enseignement de ses deux composantes. En effet, les œuvres littéraires nous permettent d’exposer les élèves à des constructions de phrases particulières et à de nombreux signes de ponctuation. 

À partir d’extraits de textes, on peut mettre l’accent sur : 

• le rôle de la virgule dans l’énumération,
• les signes de ponctuation qui servent à rapporter des dialogues,
• l’identification de la construction des phrases plus longues et leurs particularités. 

En travaillant ces composantes en lecture orale, on continue de développer la fluidité en lecture, notamment de lire avec intonation. De plus, ce type d’activité permet aux élèves de prendre conscience du rôle essentiel que joue la ponctuation, tant à l’oral qu’à l’écrit. On fait donc d’une pierre deux coups ! À l’écrit, on peut réinvestir les caractéristiques observées dans les textes lus en invitant les élèves à écrire à la manière de… Les élèves se servent donc d’un modèle pour composer des phrases construites avec des caractéristiques précises. 

Extrait de l'album «Le pire livre du monde», Elise Gravel, Scholastic

Extrait de «La mouette aux croustilles», Mingle Mingle, La Pastèque

Terminaison ? Radical ? Concordance des temps verbaux ? En voilà des concepts abstraits pour les élèves. Afin d’amener les élèves à observer les caractéristiques des verbes selon les modèles de conjugaison à l’étude, on peut leur demander d’associer les verbes d’un extrait de texte à l’un des verbes à l’étude (verbe modèle). On leur demande ensuite de faire ressortir les ressemblances et ainsi, ils peuvent se constituer un répertoire de verbes à partir d’exemples contextualisés. Ce répertoire peut être bonifié tout au long de l’année scolaire et pourrait devenir un outil de référence. 

Quant à la concordance des temps verbaux, elle fait son apparition assez tardivement dans le parcours scolaire du primaire et est davantage développée au secondaire. Toutefois, à partir d’un album jeunesse, il est tout à fait pertinent d’amener les élèves à situer les actions d’un récit sur une ligne du temps et de faire ressortir les temps verbaux utilisés dans le récit. L’idée avec cet exercice est de faire prendre conscience du rôle important que joue la concordance des temps dans l’expression de notre discours, que ce soit à l’oral ou à l’écrit. 

Extrait de l'album «Une cachette pour les bobettes», Andrée Poulin, Druide

Finalement, l’articulation de l’enseignement de la lecture et de l’écriture avec la littérature jeunesse permet d’observer les régularités, d’encourager la réflexion et la verbalisation du raisonnement des élèves. Combinées avec des pratiques différenciées et adaptées au niveau scolaire de vos élèves, vous serez surpris de constater une diminution des erreurs au niveau de la construction des phrases en privilégiant un enseignement de la grammaire avec la littérature jeunesse. Et vous serez également témoin d’une hausse de la motivation chez vos élèves. Et ça, ça vaut tout l’or du monde !

Un peu plus sur l'autrice

Bachelière en psychologie et en enseignement en adaptation scolaire et sociale de l’UQTR à Trois-Rivières, Marie-Lou a commencé sa carrière dans le monde de l’éducation en tant qu’enseignante en adaptation scolaire. Rapidement, elle s’est intéressée à l’orthopédagogie, domaine dans lequel elle s’est spécialisée au cours des 15 dernières années. De plus, elle a agi en tant que conseillère pédagogique pour outiller les enseignants dans l’adoption de pratiques d’enseignement inclusives et différenciées en salle de classe ordinaire. Marie-Lou a également contribué à la mise en place d’outils d’aide à la lecture et à l’écriture pour soutenir les élèves rencontrant des défis d’apprentissage.